Les crises sont souvent propices aux changements. Nina Lagron, Responsable de la gestion Actions au sein de La Française AM, nous explique ce que la crise sanitaire du Covid-19 va engendrer comme bouleversements durables, et nous dévoile les opportunités d’investissement que cela pourrait offrir.
Nina Lagron : Il ne faut pas imaginer le « monde d’après » radicalement différent du « monde d’avant ». Néanmoins, la situation actuelle de confinement fait ressortir les opportunités – que l’on pouvait supposer – qu’offre le monde de la digitalisation, sur le plan personnel, professionnel, ou en matière d’investissement.
De nombreux salariés se sont retrouvés en situation de télétravail forcé, et ils ont découvert les joies, les facilités et les gains de temps que cela procure.
Si je prends mon exemple, mon métier m’amène à voyager tous les deux mois aux Etats-Unis pour assister à des conférences ou pour rencontrer le management de grandes entreprises. Confinement oblige, les conférences ont eu lieu cette fois par vidéoconférence et les rencontres se sont déroulées de manière virtuelle via Skype ou Zoom. Le bilan ? Un gain de temps évident : pas de temps de transport, pas de décalage horaire à gérer ; du confort : j’ai pu rester proche de ma famille ; enfin, un gain de productivité : j’ai pu intervenir sur les marché, ce qui est plus difficile en déplacement.
Les voyages d’affaires ne vont pas disparaître, mais beaucoup de déplacements seront remplacés par des réunions en ligne, plus efficaces et moins coûteuses.
Dans le même ordre d’idées, de nombreuses structures s’opposaient au télétravail sans jamais l’avoir réellement testé. Mises devant le fait accompli, elles se sont très vite adaptées à la nouvelle situation, et se sont révélées tout aussi efficaces. Testé grandeur nature par les salariés et les sociétés, plus rien ne s’oppose vraiment à son utilisation une fois le confinement levé.
D’autant qu’en plus des gains de temps, de productivité, et de coûts, le télétravail va permettre aux sociétés de réduire leur empreinte carbone. C’est une opportunité win-win pour l’environnement tout en générant de la croissance.
La montée de la digitalisation dans le monde du travail nécessitera la mise en place d’infrastructures télécoms puissantes, capables d’absorber des flux importants. Cela passera entre autres par l’installation des réseaux 4G, voire 5G, qui apportent du confort et de l’accélération dans l’utilisation des applications téléphone.
Il faudra aussi des structures physiques capables de stocker les données, des data centers, qui circuleront via le cloud. Ces installations doivent être très sécurisées, capables de résister aux cyberattaques mais aussi aux risques physiques (incendies, inondations, …) et aux infractions de toute sorte.
Enfin, des logiciels de téléconférence, comme Zoom que les français ont découvert pour leur « apéro » confiné, et Skype, à l’efficacité déjà éprouvée dans les entreprises, seront nécessaires
La digitalisation de l’économie constitue une opportunité pour la décennie qui vient, elle bénéficie de tendance de croissance à long terme, offre un horizon long d’investissement. A titre de comparaison, Netflix et Disney +, qui sont plébiscités aujourd’hui, constituent des opportunités d’achat à court terme.
Deux autres domaines vont bénéficier de la montée du numérique, l’éducation et la santé.
Les cours en ligne à destination des enfants situés en zone rurale ou des enfants non autonomes en matière d’apprentissage sont appelés à se développer. Ils vont permettre une éducation plus individualisée, les bases seront apprises en ligne, les cas pratiques développés en classe autour du professeur.
Il s’agit aussi d’instruments pertinents pour la formation professionnelle ou continue, ou encore les cours universitaires.
Enfin, la téléconsultation permet l’accès au soin plus rapidement et plus facilement.
Tous les deux participent à réduire la fracture entre le monde urbain et le monde péri-urbain ou rural.
Nina Lagron : Microsoft est présent sur tous les segments porteurs de la digitalisation. Son activité cloud, dénommée « Azure », enregistrait déjà avant la crise une forte croissance, de l’ordre de 60 à 70% l’an dernier. Ses serveurs sont pleinement sécurisés et intégrables. Skype, produit maison, est intégré dans votre Outlook, c’est devenu un élément naturel de communication pour les entreprises. Il n’y a pas de souci de sécurité, contrairement à Zoom. Enfin, le groupe est présent dans le domaine des jeux en ligne (en streaming ou en direct), qui se développent très vite.
Microsoft présente un score ESG élevé. Neutre en carbone, le groupe va compenser les émissions de CO2 induites par l’utilisation de ses produits (le stockage des mails, …). Son cours de Bourse s’est plutôt bien comporté durant la crise, mais son niveau de valorisation est justifiable.
Autre société implantée dans la Silicon Valley, Equinix opère des centres de stockage, dont six sont situés dans des bâtiments en Ile-de-France. Son activité consiste à louer aux entreprises ses capacités de traitement des données. Sa croissance est tirée par l’Europe, et notamment la France. Ses centres étant très énergivores, elle a recours à de l’électricité verte dès que c’est possible, en co-finançant des projets d’énergies renouvelables proches de ses data centers, et en s’engageant sur des contrats de fourniture à long terme. Dans le cas contraire, elle achète des crédits carbone ou finance des projets verts un peu partout aux Etats-Unis. C’est une société très engagée dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Enfin, T-Mobile, la filiale américaine de Deutsche Telekom en passe de fusionner avec Sprint, est très implantée dans les zones rurales aux Etats-Unis. Elle déploie sur ces territoires très éparpillés de manière massive des réseaux mobiles de la troisième à la cinquième génération pour permettre à la population d’être connectée et d’avoir accès aux mêmes services numériques que les habitants des grandes villes. Sans véritable concurrence sur ces marchés, son retour sur investissement est assuré.